Un outrage qui passe inaperçu...
Il en fallait, pour me faire sortir de ma torpeur estivale, de mon manque d'inspiration, de mon vide de plein de choses... Il en fallait gros, du bien lourd et du bien gras, pour manquer de me faire avaler mon thé vert matinal de travers et m'étouffer à moitié avec mes biscottes au beurre salé !
Mais voilà, c'est arrivé et pas plus tard que ce matin, au cours de ma revue de presse journalière ; le pli des draps encore frais sur ma joue chiffonnée et l'esprit pour le moins embrumé, j'ai bien failli mourir étoufféé dans mon p'tit déjeuner à la lecture de la une du Nouvel Obs !
La cause de cet incident dramatique ?
Le titre, "Outrager le drapeau vaut désormais 1 500 € d'amande"
J'avoue être pour le moment totalement désabusée par les violences Grenobloises, la saga de l'été Woerth-Bettencourt, les retombées du fiasco de l'équipe de France de foot, les départs en vacances et même, la réforme des retraites, sur lesquelles il y aurait pourtant beaucoup à dire... Mais ça, non, ça ne passe pas.
Au mois d'avril, j'avais déjà couiner quand les députés UMP avaient sorti l'artillerie lourde pour fustiger le concours photo FNAC de Nice et une des photos gagnantes du thème "Politiquement incorrect". (pour ceux qui dormaient au fond de la classe près du radiateur, c'était ici : link )
A cette époque pas si lointaine, j'avais poussé un "ouf" de soulagement, car la loi mettait encore à l'abri de cette notion d'outrage, les oeuvres de l'esprit (communément appelée "oeuvres d'art")...
Mais MAM veillait ! Appuyée par se classe politique et bien pensante, elle a pensé à tout avec ce décret fraîchement pondu et passé discrètement en plein été au coeur d'une actualité des plus médiocre...
Dorénavant, ce décret institue une amende de 1 500 € qui sanctionnera le fait, "lorsqu'il est commis dans des conditions de nature à troubler l'ordre public et dans l'intention d'outrager le drapeau tricolore", de "détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante" le drapeau "dans un lieu public ou ouvert au public".
Le texte précise qu'est également puni, "pour l'auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, le fait de diffuser ou faire diffuser l'enregistrement d'images relatives" à ces faits.
Elle est pas belle la vie ?
Car cela veut donc dire que si j'insère l'image incriminée sur mon blog, ne serait-ce que pour illustrer mon propos, je risque de me retrouver à devoir délester ma bourse de quelques 1 500 €... Si on n'est pas dans un monde qui marche sur la tête et qui tente de réduire nos libertés à néant, je veux bien manger une à une les épingles de mon chignon.
Déjà, faire passer ce décret en plein été, c'est fourbe. Mais en même temps, c'est les vacances et tout le monde s'en contrefiche royalement. La preuve en est : mis à part le Nouvel Obs, je n'ai pas vu une autre une qui relate l'information (mais peut-être mes yeux sont-ils trop injectés de sang par ma colère sourde ?...).
En tant qu'artiste, on ne pouvait déjà plus trop "taper" sur la religion, maintenant, c'est bien simple, on peut plus rien condamner du tout, au risque de se faire traiter de dangeureux criminel en puissance.
Et à ce rythme là, La Marseillaise de Gainsbourg va bientôt disparaitre du PMF (Panorama Musical Français)...
Alors dans mon p'tit coin, je m'agace toute seule, je monte dans les watts et je m'insurge avec mes modestes moyens en tapant comme une demeurée sur le clavier de mon ordinateur. Ca soulage un peu, mais malheureusement, ça ne fait pas pour autant avancer le schmilblick.
Car où sont-ils les artistes ? Les connus et reconnus, qui eux, auraient bien plus de poids que votre modeste serviteuse (je sais, ça ne se dit pas, mais je suis passablement énervée alors j'invente des mots si bon me semble) pour condamner ce nouveau repli de notre liberté d'expression ???
Ils sont où les L. Besson & Co (plus businessmen qu'artistes, mais bon) qui râlaient contre Hadopi et tout le reste ?... Peut-être qu'à La Barbade ou à Saint Tropez, les informations ne passent pas bien... Allez savoir !
Le seul de ma connaissance qui soit encore assez "membré" pour faire valoir la liberté d'expression reste thierry Ehrmann et sa Demeure du Chaos, musée à ciel ouvert, qui risque pourtant de se faire purement et simplement rasé... (reste à savoir ce que décidera la Cour Européenne des Droits de l'Homme à ce sujet)...
Enfin bref, j'ai beau me laisser aller à la diarrhée verbale, les faits sont bel et bien là : sur les murs des bâtiments d'état, la devise nationale s'écrit Liberté, Egalité, Fraternité.