Attention : Vivre est une activité mortellement dangereuse !

Publié le par MaDemoiseLLe S.

Vous vous en doutiez bien, vous le subodoriez, vous vous le répétez peut-être même, parfois à mots couverts, comme pour chasser vos peurs ou vos angoisses les plus secrètes : vivre est une activité on ne peut plus dangereuse.

Heureusement, les puissants lobbys industriels, les gouvernements, les médias et les publicitaires, bref, tous les gens les mieux attentionnés à votre égard n'ont de cesse de vous mettre en garde... Car oui, la vie est une maladie mortelle et notre quotidien regorge de dangers, tous plus abominables les uns que les autres.

 

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Et ça commence dès le petit matin. Vous vous réveillez un peu embrumé et avancez d'un pas lourd vers votre salle de bain. Aussi grâcieux qu'un crabe dansant la Macarena, vous enjambez votre baignoire dans le but de vous plonger sous une douche chaude et revigorante... Heureusement, même en état second, impossible de trébucher : vous avez installez une rambarde en métal pour vous hisser dans ce lieu de tous les dangers qui, le mois dernier, vous a valu un double tour de rein pour avoir glissé sur la savonnette qui s'était enfuie de son porte-savon. La saloperie. Depuis, après un traitement de cheval aux anti-inflamatoires et trois séances de kiné, vous avez pris la situation en main et posé sur le fond de cette traitresse de baignoire, un tapis anti-dérapant couleur vert-pas-beau-virant-jaune-pisse, qui malgré sa vulgarité visuelle, vous mets cependant à l'abri de tout autre accident de savonette fugueuse.

 

 

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L'arme sur-mesure pour éviter les accidents de baignoire

 

 

 

Une fois propre mais pas rasé (oui, entre les possibles électrocutions dûes aux rasoirs électriques et les coupures disgracieuses pouvant s'infecter avec ceux mécaniques, vous avez remis la barbe au goût du jour) vous vous installez donc dans votre cuisine pour petit-déjeuner. Encore un peu embrumé par une nuit trop courte, vous vous servez un café et comatez en lisant les indications énergétiques et les ingrédients de la boîe de biscuits que vous êtes en train de mâchonner bruyament... Vous allumez la télé, histoire de savoir si la 3ème guerre mondiale a pu éclater pendant la nuit et tombez sur la page de pub de 7h12 de "Youpi Matin"... Publicité justement pour les biscuits que vous vous efforcez d'engloutir en les trempant dans votre café brûlant. Musique joyeuse, petite famille modèle toute proprette et sympathique, cadrage sur le logo de la marque et à la fin du spot, cette petite phrase, assassine : "Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré". Vous reposez brusquement votre biscuit dans la boîte et cherchez de votre regard de basset Artésien l'écran, qui vante cette fois-ci les scrupules d'une chaîne de fast-food à confectionner des repas équilibrés et ne manque pas de rappeler en fin de sa propagande : "Pour votre santé, bougez plus" --- > link

 

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Aussi morose qu'un jour de pluie de fin d'automne sur la zone industrielle de Dunkerque, vous montez dans votre voiture (dernier cri, certifiée Eco2, air-bags frontaux, latéraux et co-latéraux, ABS, régulateur de vitesse, GPS inclu, capteurs arrière en option de série) et allumez la radio dans la grisaille matinale pour vous rendre au travail. Des rires envahissent l'habitacle, brutalement remplacés par un crissement de pneu et un cri strident... "Les accidents de la route ne s'arrêtent pas en ville" énonce une voix masculine roccailleuse. En ville justement, vous y êtes. Mais bien que passablement agacé par ce début de jounée, vous respirez un grand coup histoire de vous détendre en entrant dans la circulation déjà dense, tout en vous félicitant d'avoir choisi un 4x4 doté d'un régulateur de vitesse.

 

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8h30, vous arrivez au bureau et passez dans le hall, vous dirigeant en pilote automatique à la machine à  boisson, histoire de vous saisir de votre indispensable café soluble industriel. A peu près pour la mille soixante douzième fois, vous lisez les recommandations de l'affreuse affiche orange qui se décolle au coin supérieur gauche et qui n'a toujours pas été retirée depuis que le cap de la crise est passé :

 

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Vous montez ensuite dans le cagibi austère et sans fenêtre qui vous sert de bureau, tout en pestant contre cette fameuse grippe qui n'a même pas été capable de vous débarrasser de votre chef pendant ne serait-ce qu'une dizaine de jours l'hiver dernier. Vous vous mettez à la tâche, enchaînant les dossiers et à midi pétante, partez rejoindre votre équipe à la cantine d'entreprise pour ingurgiter votre déjeuner "made by Sodexo"... mais vous rappelant les bons conseils de votre téléviseur à écran plat de ce matin, vous vous contentez d'une cuisse de poulet caoutchouteuse sans sauce, avec des légumes vapeurs 100 % OGM ayant poussés sous serre et d'un yaout 0 % au bifidus actif. Il ne faudrait pas faire grimper inutilement un taux de cholestérol encore paisible pour le moment et plus trivialement , alimenter cette vilaine graisse qui commence à empiéter sur vos anciennes tablettes de chocolat...

 

A 13h, ce festin avalé, vous accompagnez Bernard du service commercial sur le parking. Le Nanard, c'est un cador dans son job, mais aussi une force de la nature. Il arbore son air d'éternel satisfait et allume sa sacrosainte cigarette d'après mangé... Une Marlboro même pas light qu'il fume à grandes bouffées tout en parlant avec les mains des attributs de la nouvelle stagiaire de la compta. Vous, vous ne le comprenez pas le Nanard... Pourtant c'est comme le Port Salut, c'est même marqué sur son paquet de clopes en gros et en gras :

 

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Vous avez tenté de le raisoner des dizaines de fois, comme quoi fumer un paquet de cette saleté par jour ce n'était pas sain et tout le tralala, mais le Nanard, il arrive toujours à clore le débat d'une réponse sans appel : 'faut bien mourir de quelque chose.

 

Vous retournez nonchalament à l'intérieur, accompagné d'un Bernard hableur et vous vous installez en salle de réunion pour le rituel briefing du jeudi. A l'ordre du jour : sécurité et santé au travail. Pendant deux heures, vous écoutez les nouvelles directives décidées par les patrons. Réaménagement des postes de travail, orientation des écrans d'ordinateur, installation de nouveaux claviers ergonomiques... Enfin une bonne nouvelle dans cette journée si terne !

 

A 16 h, vous remontez tout guilleret à votre bureau et pour fêter ce renouveau à venir, décidez de glander ostensiblement sur le net. Sites d'information, une partie de démineur, mise à jour de profil Facebook, retour aux infos et là, horrifié, vous découvrez un titre qui vous assomme :

Pollution : des politiques effarés après avoir testé leur air intérieur
(plus d'info ici : link)

Partout, le mal est donc partout !! Dans la bouffe, vos produits ménager (pourtant le Cilit Blang ça décape trop bien), dans votre étagère (Ikéa, fabriquée en Chine à grand renfort de colle et solvants très sympathiques) sur les murs, les sols, dans l'air, les canalisations, la chaudière, les lampes, le compteur EDF, la... STOP ! Vous décidez de vous calmer et éteignez dans un dernier geste fébrile votre ordinateur. De toute façon, il est 17 h 30, vous en avez assez fait pour aujourd'hui.

 

Encore abasourdi, vous traversez le parking et comme c'est votre jour de chance, vous y trouvez un Bernard aussi excité qu'une pucelle à la sortie du dernier tome de la saga Twilight au cinéma. Vous comprenez malheureusement assez vite la cause de sa réjouissance, quand il vous expose qu'il a invité la p'tite stagiaire de la compta à boire un verre et que pour que sa jouvencelle ne sente pas trop le traquenard, il vous a également invitez vous, ainsi que Yolande du service contentieux, plus connue sous le nom de "Cuisses d'acier".

Vous avez beau refuser, lui dire de se débrouiller tout seul, le Nanard finit quand même par vous faire plier, vous promettant une soirée mémorable.

 

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Une fan de Twilight en furie...

la soeur de Yolande alias "Cuisses d'Acier"

 

 

Résigné, vous montez dans votre voiture et faites un détour par la pharmacie avant de rejoindre vos compagnons d'une soirée. Vous tendez à la pharmacienne votre ordonance pour le renouvellement de votre traitement : anxiolytique, anti-dépresseur et somnifère. Et comme vous devez vous rendre en Corse le mois prochain pour vos vacances chez votre soeur, vous en profitez pour lui demander des médicaments pour le mal des transport, les aigreurs d'estomac, les piqûres d'insecte, de la crème solaire écran total et des bonbons au miel sans sucre... On est jamais trop prudent.

 

Ainsi paré, vous retrouvez vos collègues au pub et découvrez un Nanard plus exalté que jamais. Bon gré mal gré, vous vous attablez et commandez une bière sans alcool, car :

1. même si vous n'avez pas encore pris vos petites pilules aujourd'hui, vous n'envisagez pas de lâcher du leste à votre dépression

2. "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé", c'est marqué tout en bas de l'affiche publicitaire pour le Jack Bernard's

3. vous ne voulez surtout pas courir le risque de perdre le contrôle de vous même en présence de "Cuisses d'Acier".

 

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Un verre, deux verres, trois verres... Bernard joue les jolis-coeurs auprès de la stagiaire qui semble trouver sa companie charmante, tandis que vous faites tapisserie auprès d'une Yolande quelque peu émêchée. Mais si la bière sans alcool a l'avantage de ne pas saouler, elle donne furieusement envie d'uriner... Vous vous rendez alors dans les cabinets d'aisance, en vous demandant si ce breuvage ne pourrait pas non plus être à l'origine du cancer de la prostate...

Soulagé, vous décidez que la comédie a assez duré et faites vos adieux à la cantonade. Bernard vous demande alors en apparté si vous n'auriez pas des capotes...

"T'aurais pu prévoir quand même !" est votre réponse, mais vous ponctuez votre énervement en lui disant que l'abstinence reste le meilleur moyen de se préserver.

Bernard prend ça pour une blague, mais vous n'en pensez pas moins. Pourtant, pris d'un cas de conscience et afin d'éviter que la stagiaire se fasse refiler une saloperie, vous lui donner discrètement de la monnaie pour s'acheter son précieux sésame au distributeur et filez en laissant une tablée quelque peu alcoolisée.

 

Une fois chez vous, vous dînez d'une tranche de jambon et d'une endive pour faire couler vos médicaments et vous effondrez, déjà à moitié endormi, sur votre matelas anti-acarien.

 

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Voilà voilà... Une journée banale d'un clampin banal dans une ville banale. Un clampin qu'on pourrait qualifier de "français moyen", qu'on prend délibérément pour un con en lui faisant acheter de la nourriture que les industriels savent répugnante, des produits soi-disant "miracles" bourrés de trucs aussi dégeulasses que ce qu'il mange et qu'on infantilise comme un môme de 6 ans en lui disant à longueur d'affiches et de spots publicitaires : "fais pas ci, fais pas ça !" A croire que le français de base est infichu de se rendre compte par lui  même que s'il ne fait que bouffer chez Mac Do, il deviendra probablement gros, gras et malade ; que quand on est malade, c'est pas gentil d'éternuer sur ses collègues ; que la clope, c'est  caca-boudin ; l'alcool, un piège capable de le rendre assez con pour baiser avec "Cuisses d'Acier" et bien pire encore.

 

Peut-être juste que les penseurs qui nous assomment de campagnes de pub (parfois utiles certes, mais souvent débiles) se disent simplement : "il ne faut pas prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont."

 

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J
<br /> Fumeur ou non-fumeur, à la fin de nos vies, nous dirons tous ensemble : nous fumes...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Merci pour cet hommage touchant et valorisant à l'attention de tous les Bernard ! En plus, ça tombe pile-poil en cette Ste Monique...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Peut-être avons nous tous  un Bernard ou une Monique qui sommeille en nous ?<br /> <br /> <br /> <br />
O
<br /> Fichtre ! Ca fiche la trouille tout ça. Jusqu'ici tout va bien, mon ordinateur n'explose pas, je n'implose pas et je refuse catégoriquement de mettre un horrible tapis vert anti-dérapant dans ma<br /> baignoire. ce serait le bon gout qui prendrait des risques .... une faute de gout qi tournerait au ridicule et au suicide du ridicule. imagine un peu les gros titres : "Son manque de goût révélé au<br /> grand jour la pousse au suicide". Et la suite de l'article, elle meurt d'une glissade mortelle dans sa baignoire en voulant enlever son tapis anti-dérapant? l'enquête montrera si c'est un accident<br /> ou un suicide déguisé.<br /> j'ai peur d'un seul coup .... très peur, je vais aller voir ma salle de bain, si une faute de bon goût, un crime de "lèse esthète" ne s'y cache pas . il faut vraiment avoir peur de tout !!!!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Mais oui Chère Olympia : le mal est absolument partout ! Le mauvais goût est un ennemi parfois sournois et les attentats esthétiques, aussi bien visuels, auditifs, olfactifs, gustatifs... sont<br /> partout ! Prenons garde, restons vigilants et ne lâchons rien !<br /> <br /> <br /> <br />